Je ne traîne pas au ravitaillement. Même si le soleil pointe le bout de son nez, je sens que je me refroidis vite. Je décide de garder ma veste. L’ascension va me conduire à presque 3000 m et j’ai peur que le temps se gâte à nouveau, que le froid s’abatte à nouveau sur mes pauvres mains bien cachées.
Je repars donc tout doucement. J’ai beaucoup couru dans la longue descente des Rochilles et les muscles commencent à tirailler. J’aperçois le sentier devant moi, c’est un véritable mur qui se dresse tout en virages. 2,5 kilomètres et 850 m de dénivelé à franchir. J’avance, je souffle, je pousse sur les bâtons. J’ai chaud puis je frissonne. Je prends un gel, un rouge, celui des coups de pompe. Un pas, un
autre, encore un. Des randonneurs me doublent et m’encouragent. Je leur souris, avance encore, encore un peu, encore et encore. Je reprends un gel. Je n’ai pas assez mangé durant le parcours et je n’ai plus de jus. Encore un virage, encore un pas. Et puis soudain, … devant moi, …le lac, le lac des Béraudes. Une merveille. Un diamant dans son écrin. Ce lac d’un bleu très clair et les névés d’un blanc immaculé qui plongent leur bras au plus profond de l’eau. Que c’est beau ! J’oublie la
fatigue et repars pour la dernière portion qui doit me conduire jusqu’au col. Le sentier est moins raide mais nous atteignons les 2700 mètres d’altitude. Moi qui suis partie hier du bord de mer, j’avance doucement mais hypnotisée par la beauté du lieu. Un univers minéral, où seules poussent quelques rares pensées et gentianes printanières. Je traverse les névés avec prudence, plantant les bâtons, calant mes pieds dans les traces. Une glissade pourrait m’entraîner dans les eaux en contrebas. Autour de moi, c’est l’hécatombe. Des coureurs s’assoient, le souffle court, le cœur battant la chamade, d’autres s’arrêtent au bord de la nausée. 2900 mètres d’altitude. Je résiste bien et ce sont enfin les derniers mètres. Il faut mettre les mains, escalader un peu et voilà. Le 3ème col est franchi. Le plus beau, le plus dur, le plus haut.
La descente commence par une cheminée. On nous l’avait annoncée ce matin et j’avais occulté l’information. Un secouriste est sur place et me conseille : « Restez debout, face à la pente ! Vous verrez où vous mettez les pieds. Restez debout ! Ne tenez pas la main courante ! Cà va aller ! »
Oui, çà va mais çà fait bouchon derrière. Je m’excuse mais personne ne râle. « On n’est pas venu jusque là pour se faire mal ! Prenez votre temps » me rassure un coureur.
Voilà, cette fois c’est fait. Je peux attaquer la descente. Elle est roulante et je peux avancer. J’ai perdu beaucoup de temps dans la montée et dans la cheminée. La prochaine barrière horaire est à 18 heures au kilomètre 54 et je dois accélérer. Le col du Chardonnet est heureusement une bonne surprise, une formalité, une petite remontée et le 4ème col est passé, dans l’euphorie et le soulagement.
C’est avec 40 minutes d’avance que j’arrive à la dernière barrière. Cette fois les bénévoles ont gardé du jambon pour les retardataires. Çà fait du bien.
Il me reste maintenant un dernier col à passer, 400 mètres de dénivelé. Plus que 14 kilomètres dont 10 de descente. La descente sera dure pour les muscles mais quitte à me laisser rouler, j’y arriverai !!!!
Je repars confiante. La remontée est pourtant difficile. Difficile de monter, de gravir. Je réalise que le parcours est bien plus dur que l’UTMB et que les cols sont ici de véritables murs. C’est pas grave. C’est le dernier. J’ai doublé pas mal de monde et j’ai bon moral. Je double un concurrent qui se traîne. C’est une véritable course d’escargots. Tout se fait au ralenti. Pourtant le sentier n’a pas l’air trop raide. Enfin, j’atteins le col de Roche Noire. Il fait frais. Il pleut un peu mais rien à voir avec le temps de ce matin. Et puis le moral est bon. Bientôt l’arrivée.
La dernière descente est longue, longue, longue. Je retrouve Bernard avec qui j’ai franchi le col du Galibier. Lui aussi fera l’UTMB au mois d’août. Nous courons les derniers kilomètres ensemble et décidons de passer ensemble la ligne d’arrivée. C’est fait ! On me donne le tee-shirt finisher, on me passe la médaille autour du cou. Je termine en 13 heures et 48 minutes à la 567ème place. Beaucoup ont jeté l’éponge en route, dès le col du Galibier. Moi, j’ai serré les dents.
C’est à madame Cocorico que j’ai passé mon 1er coup de téléphone. Mon 2nd a été pour Martine, si présente par ses conseils et son soutien indéfectible ! J’ai couru cette course seule mais les encouragements et les messages de chacun ont compté, une fois de plus.
Merci à vous.